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Page:Béranger - Ma biographie.djvu/322

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Note LXVIII. — Au titre.

C’est vers le milieu de 1817 que Béranger fit le Dieu des bonnes gens. Jusque-là, c’était toujours avec une espèce de timidité qu’il avait tenté d’élever le ton de la chanson. Enhardi par le succès, il osa davantage cette fois ; mais la frayeur le reprit quand il eut terminé ces couplets. Pour expliquer cette frayeur, il faut dire qu’il était reçu au Caveau qu’il ne fallait point mettre de poésie dans la chanson. Béranger avait souvent entendu professer cette doctrine par Armand Gouffé. Aussi trembla-t-il fort lorsque, pour la première fois, dans une réunion d’hommes de lettres, il se hasarda à chanter le Dieu des bonnes gens. Les applaudissements qu’il obtint furent tels, que, dès ce moment, sûr de pouvoir dépenser dans ce genre le peu qu’il se sentait d’idées poétiques, il renonça à tout autre et conçut l’espoir de donner à la France une poésie chantée, ce qu’elle n’avait pas, selon lui, malgré la sublimité de beaucoup de nos odes et l’excellence de plusieurs passages de nos opéras. Pour arriver à cela, il fallait continuer à se servir de nos airs de ponts-neufs, convenablement entremêler les tons, ainsi que notre langue pouvait l’exiger, s’attacher de plus en plus à dramatiser ses petits poëmes, et surtout s’astreindre au refrain, frère de la rime, quelque prix qu’il en dût coûter, car Béranger avait souvent observé que, sans refrain, la chanson ne réussissait pas, et il tint dès lors à faire tout ce que le genre exigeait pour y obtenir davantage et l’élever enfin à la hauteur des sentiments et des idées que la chanson lui paraissait appelée à exprimer, surtout à une époque où la presse était esclave. Il sentit d’ailleurs tout l’avantage qu’il y avait pour lui