Page:Béranger - Ma biographie.djvu/356

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« En soutenant M. Laffitte dans les voies de l’orléanisme, Béranger eut soin de le prémunir contre leur royale créature. Craignant la faiblesse de son ami, le prévoyant poëte lui recommanda de ne se point laisser faire ministre, et de se réserver, le cas échéant, pour une révolution nouvelle. Le choix de Béranger ne fut donc ni égoïste, ni tout à fait aveugle. Mais on peut lui reprocher de n’avoir pas compris que, dans un mouvement qui mêlait toutes choses, rien n’était impossible avec de l’énergie. Le peuple, jeté sur la place publique, savait trop peu ce qu’il voulait, pour ne pas donner à ceux qui se seraient mis résolûment à sa tête le prix de l’audace intelligente et vertueuse. Les grandes actions, après tout, ne naissent jamais que d’une folie sublime. Malheureusement ne pas savoir oser est l’écueil des esprits trop pénétrants ; Béranger voulut un roi, tout en se défiant de la royauté, parce qu’il vit clairement et promptement qu’il était plus facile de faire une monarchie que d’établir une république. Il était sincère, il était loyal mais il fut dupe de sa propre clairvoyance.

« Le duc d’Orléans eut donc pour lui, dès le lendemain de la victoire du peuple, la puissance des noms et celle des idées : Jacques Laffite et Béranger. » Il devint bien vite, avec de tels appuis, le roi Louis-Philippe Ier.

Comme Béranger n’a pas pris place parmi les dignitaires de la royauté nouvelle et qu’il a même désiré qu’on ne sût pas quelle part il avait prise à l’établissement de cette monarchie, il semble étrange qu’un simple chansonnier ait eu, le 30 juillet 1830, un si grand pouvoir, et ce n’est pas son nom que l’on cite d’abord quand on songe à désigner ceux qui alors ont paru jouer le rôle plus actif, comme MM. Laffitte, Bérard, Audry de Puyraveau, Guizot, Thiers, Baude, La Fayette. Rien n’est cependant plus vrai, et quelqu’un qui fut chargé de porter la lettre que Béranger écrivit alors aux membres de la réunion