Page:Béranger - Ma biographie.djvu/373

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part, comme quelques-uns l’auraient désiré, à tous ces débats. Il les jugeait inutiles, dangereux même pour la cause qu’il aimait et en laquelle, malgré tout, il voulait croire.

Toutes ces réflexions, toutes ces peines l’écartaient chaque jour davantage du mouvement politique. Il voyait d’un côté que tout se réduisait à des questions de personnes et à des poursuites de portefeuilles ministériels, et il ne trouvait pas de l’autre côté cette prudence et cette habileté dans le maniement des esprits qui lui semblaient indispensables pour préparer le triomphe des idées républicaines. Au besoin, il l’a dit, les formes du gouvernement lui auraient été indifférentes, si l’on se fût sérieusement et fermement appliqué à l’examen et à la solution de tous les grands problèmes que 1789 a posés devant la société nouvelle.

Voilà pourquoi, peu à peu, il cessa de vivre à Paris, allant d’abord dans le voisinage, à Passy, sur le bord du bois de Boulogne, puis à Fontainebleau, dans la grande forêt, et enfin à Tours. Ce n’était pas avec un sentiment de complète indifférence qu’il s’éloignait de sa ville natale, et il ne faisait le sacrifice que de sa propre personnalité, croyant sincèrement que, son rôle étant fini et ses conseils inutiles, le mieux qu’il avait à faire était de travailler à se faire oublier de tous. « Il y a longtemps que je me dis, écrivait-il à M. de Chateaubriand que ceux qui naissent aux époques de transition sont bousculés, renversés, écrasés dans la lutte des générations qui s’entre-choquent. C’est sur nos cadavres que doivent passer les combattants qui nous suivent. Nous comblerons le fossé qu’il leur faudra franchir pour prendre d’assaut la place où tous nos efforts n’auront pu faire brèche. Mais espérons qu’une fois ville gagnée, les vainqueurs viendront relever les morts pour leur faire un bel enterrement, enseignes déployées et à grand bruit de fanfares. Et qui sait, enfin, si Dieu lui-même