Page:Béranger - Ma biographie.djvu/378

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vous. J’ai horreur de livrer ma personne au public, et, comme l’auteur des Maximes, je suis complétement incapable de parler, même de lire quelques phrases dans une nombreuse assemblée, et ne saurais non plus subir, pendant une heure, un compliment qui me serait adressé.

« — Mais vous avez bien été avec grande foule devant les tribunaux, me direz-vous. Parbleu ! comment s’y refuser ? Ils s’y prenaient avec tant de grâce ! Si j’avais pu, avec eux, m’abonner à trois mois de prison de plus chaque fois, pour avoir la permission de ne pas comparaître en si nombreuse société, à coup sûr j’aurais fait ce marché de grand cœur.

« Du moins, sur la sellette, n’ai-je jamais dit que mon nom. Regardez-moi donc comme incapable de prononcer un discours de réception, en supposant que je sois capable de le faire, ce qui est assez douteux.

« Mais me voyez-vous en habit brodé, l’épée au côté, allant au château ? Là, encore un discours : « Sire, je suis votre très-humble serviteur. — Ah ! vous voilà donc, vous, qui n’avez pas voulu nous venir visiter ? — Je suis votre serviteur, Sire. — Allez, et n’y revenez plus ! etc., etc. » Ah ! mon cher Lebrun, ne sentez-vous pas que vos usages sont des impossibilités pour moi ?

« Mon ami, laissez-moi, laissez-moi dans mon coin, qui n’est pas celui du misanthrope. Si des journaux querellent l’Académie parce qu’elle ne se nomme pas, veut-on que je leur écrive que l’Académie n’a pas tort et qu’un corps semblable se doit d’attendre que l’on sollicite l’honneur d’être admis dans son sein ? Dictez tout ce que vous voudrez, j’écrirai ; mais pour Dieu ! détournez les amis que je puis encore y compter (hélas ! j’en ai déjà beaucoup vu disparaître !) de tenter de m’y faire entrer par une voie inusitée. Oui, mon cher Lebrun, si je savais que l’on pût me nommer sans que je me