Page:Béranger - Ma biographie.djvu/381

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crains pas de me servir de cette position malencontreuse pour vous engager à bien juger la vôtre, à voir quelles ressources vous restent, quel parti vous devez prendre. Ici je ne puis vous éclairer, parce que je ne suis pas dans le secret de toutes vos affaires.

« Mais ce que je puis vous dire, c’est que vous ne pouvez vous en tirer par une extrême énergie, sans perte de temps et en tranchant dans le vif. Cessez de prolonger l’affaire Laffitte : sa durée est ruineuse. Songez que, faute d’une activité suffisante, aussi par nonchalance de caractère, vous avez laissé le mal s’aggraver autour de vous. Votre loyer vous exténue ; vos deux grands garçons restent les bras croisés. Mettez ordre à tout cela, et sans doute à beaucoup d’autres choses, si vous faites tout ce qu’il faut faire. Mais, pour Dieu ! surtout, mon cher ami, plus d’illusions !

« Mesurez l’abîme dans toute sa profondeur. Voyez combien d’existences reposent sur la vôtre. Ce qu’il vous reste de force vaut de la jeunesse. Oubliez le passé ; ne comptez plus sur les autres et marquez-vous un avenir raisonnable, fût-il le plus obscur du monde. Mais, pour atteindre ce but, s’ils ne peuvent vous aider, il faut au moins que vos amis ne soient pas une source d’obstacles. En ce qui me concerne, voici depuis plus de deux ans le parti auquel je me suis arrêté.

« Je nourris quatre individus, moi compris. Je vais supprimer tout ou partie des mille francs que j’envoie annuellement à l’île Bourbon, parce qu’un homme de trente-quatre ans[1] doit savoir se suffire.

« Je prends avec moi ma vieille tante[2] et une bonne et vieille amie[3] qui mourrait de faim, si je ne l’aidais, comme

  1. Son fils Lucien, mort en 1849.
  2. Sa tante Merlot.
  3. Mademoiselle Judith Frère.