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Les gouvernements passent ; la France reste. Béranger était du parti de la France.

Quand la liberté fut perdue, les ennemis de Béranger se réjouirent. Ils avaient enfin rencontré l’occasion de le convaincre d’avoir préparé toutes les discordes et rendu nécessaires tous les sacrifices. Or quel plus grand sacrifice, pour quiconque a une âme libre, que celui de la liberté ?

En 1848, on dit aux républicains : Béranger a trahi la République ; en 1852, on dit aux libéraux : Béranger a trahi la liberté.

Ce n’est pas assez ; Béranger a trahi la société elle-même, il a corrompu les mœurs, détruit toutes les vertus innocentes, la piété, la pudeur, et il a excité les pauvres à la haine des riches. Voilà, dans tout son développement, la thèse qui a été soutenue à la fin, et, grâce au désordre de nos jugements, accréditée pour quelques jours parmi les esprits frivoles.

« Au fait, ont murmuré les anciens libéraux, des républicains même, voilà d’où vient le mal qui nous tourmente. S’il n’y avait eu un poëte pour chanter les pauvres gens et s’occuper même des gueux, nous n’aurions pas aujourd’hui tant de peine à rétablir l’ordre. La société est troublée ; c’est Béranger qui la trouble. » Il fallait dire cela en 1833, quand paraissaient dans un dernier recueil, au milieu de l’admiration universelle, les chefs-d’œuvre incriminés maintenant.

En 1855, on invitait Béranger à répondre à ses ennemis. « C’est à mes amis à me défendre, » dit-il. Mais la défense n’était pas libre. Pour défendre Béranger contre de pareils adversaires, il faudrait pouvoir reprendre l’inventaire entier de la Révolution.

Assailli par les attaques des journaux dès le mois de juin 1848, et privé alors d’à peu près tout crédit dans ses continuelles démarches d’assistance et de charité, Béranger vit