Aller au contenu

Page:Béranger - Ma biographie.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

son courage, je le vis contraint de moins travailler d’abord, puis de recourir au médecin, et bientôt il fut réduit à garder le lit la moitié du jour. Nos petites économies s’en allèrent ; les dettes ne tardèrent pas à s’accumuler, et notre linge, nos meubles, nos hardes, furent mis en gage. C’eût été peu si la santé se fût rétablie ; au contraire, il s’affaiblissait chaque jour davantage, et lorsque j’accouchai il nous restait à peine de quoi payer la sage-femme.

« Dieu me donnait un fils, un fils charmant, mais point de lait pour le nourrir. Il voulait sans doute ainsi me punir de ma faute. Nous ne pouvions nous procurer une nourrice. Quel désespoir troubla ma joie de mère ! Et, pour ajouter à ce malheur, les suites de ma couche devaient être pénibles et longues. Nous ne savions que faire pour apaiser les cris du pauvre et cher enfant. Trois jours après mon accouchement, Gaucher, étendu sur un matelas, se lève précipitamment : « Donne-moi mon fils, dit-il ; dans le village où ma mère est morte, je suis sûr de lui trouver une nourrice. J’y cours. » Je ne sais comment il eut la force de se lever et de sortir, emportant bien emmailloté notre enfant, que je couvris de baisers et de larmes. Selon moi, il devait rester absent presque toute la journée : je le vois rentrer au bout de quelques heures et tomber sur