Page:Béranger - Ma biographie.djvu/66

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souvent. Ah ! si vous saviez ! quand je suis dans la rue, je regarde tous les passants de son âge. J’ai osé même, moi qui suis timide, en arrêter plusieurs parce que leur taille, leur tournure, leurs traits, me rappelaient mon frère, qui me ressemblait à s’y méprendre. Les uns rient et me repoussent en m’appelant folle, d’autres paraissent avoir pitié de mon embarras. Et si je vous disais que, moi femme, il m’est arrivé d’aller voir au bord de la rivière des hommes se baigner, dans l’espoir de découvrir la croix dont Paul doit avoir conservé la marque ! Combien, les dimanches, après la messe, ai-je passé d’heures sur le Pont-Neuf, où la foule est toujours si grande, pour voir si quelqu’un n’y parlerait pas à mon cœur ou n’éprouverait pas à ma vue les mouvements du sang ! Sur des renseignements pris au hasard, j’ai eu la hardiesse de me présenter à beaucoup de bourgeois et d’ouvriers qui portaient le nom de Paul ou que je savais être sans famille. Dans ce moment encore, mon cher monsieur, je m’occupe d’une nouvelle recherche, et c’est pour cela même que j’ai cru nécessaire de vous raconter l’histoire de mes malheurs. Il y a au théâtre de l’Opéra-Comique un acteur nommé Paul, je n’ai pu me procurer son adresse. Pourriez-vous me la faire avoir ? Si vous vous en mêlez, il me semble que vous me porterez bonheur.