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C’est à une longue maladie de cet artiste, pendant laquelle je ne cessai de le veiller, que je dus l’idée d’écrire mes chansons pour la première fois[1]. Je m’en rappelai plus de quarante, dans les nuits que je passai auprès de son lit, où il ne pouvait souffrir une garde, quoique sa fortune lui eût permis d’en avoir plusieurs. En les écrivant je les lui chantais pour le distraire dans ses douloureuses insomnies. Toute bonne qu’est ma mémoire, elle dut en laisser échapper[2] beaucoup : j’en ai tant fait[3] ! Aujourd’hui, elle vient me fournir encore des couplets en réponse à une lettre où cet ingrat ami me disait, après le 20 mars, qu’il fallait attendre, pour nous revoir, le rétablissement des Bourbons. Je ne lui envoyai point

  1. « Je fais le garde-malade. J’ai encore passé la nuit du dimanche au lundi, et je crois bien encore passer celle-ci, qui sera la quatrième. Je me fatigue moins de ces soins que d’avoir affaire à un malade un peu trop difficile. J’espère, au reste, que sa maladie ne se prolongera pas longtemps. Pour égayer un peu mes veillées, je recopie mes anciennes chansons, et j’en fais quelques nouvelles ; mais mon poëme se repose, et ma conscience n’est pas tranquille. » (Lettre du 12 mai 1812.)

    Cette lettre nous donne la date précise du moment où Béranger commença de travailler à élever le monument dont il a enrichi notre littérature.

    Guérin, né à Paris le 13 mars 1774, n’avait que six ans de plus que lui. Il est mort à Rome le 16 juillet 1855.

  2. Béranger regrettait surtout le Bœuf gras et le Décrotteur suivant la Cour.
  3. Toutes celles qui sont postérieures à 1815, ou à peu près toutes, ont été recueillies ; mais, avant 1815, Béranger a composé beaucoup de chansons qui n’ont pas été imprimées.