Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 1.djvu/12

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Je voudrais aujourd’hui m’adresser au grand public et lui soumettre en une sorte de résumé mes opinions et conceptions sur les poèmes homériques, tout particulièrement sur l’Odyssée. J’écarterai tout appareil d’érudition, toute démonstration et discussion. Je procéderai par affirmations aussi brèves et nettes que je pourrai les formuler : après quarante années d’analyse, mon maître Fustel de Coulanges m’aurait concédé cette journée de synthèse.

Nous assistons, depuis vingt ans, à la résurrection d’Homère. L’érudition germanique du XIXe siècle, mise au service du romantisme, avait dépecé, supprimé cet ancêtre de toute notre poésie. La science du XXe siècle est en train d’en rétablir la statue au seuil du temple commun des littératures occidentales. J’ai connu le temps où le dernier du ridicule pour un homérisant était de croire à l’existence d’un auteur dont on lisait les ouvrages. On est aujourd’hui le dernier des ignorants si l’on ose mettre en doute que l’Iliade et l’Odyssée, de leur premier vers au dernier, ont été rédigées par le Poète aveugle.

Le ridicule et l’ignorance sont, assurément, de grands maux. Il en est de pires : « Ce qui distingue à jamais l’Hellène du Barbare, disait Hérodote, c’est qu’il fut toujours raisonnant et dégagé de crédulité sotte ». Les Barbares de l’Epire, — les prédécesseurs de nos Albanais, — prenaient pour