Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 1.djvu/170

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Nous voyons surgir de même la Longue Montagne, qui de tout temps couvrait la rade des Phéaciens. Cette montagne seule avait permis l’établissement d’une ville étrangère au fond de cette baie secrète ; elle seule mettait les Phéaciens à couvert des terriens et des attaques indigènes. Mais le Poète la soulève ou la nivelle pour le besoin de son histoire, comme il fait décrire dans le ciel de la Cyclopie une merveilleuse trajectoire aux deux Pierres qui, de tout temps, ont été plantées dans le détroit de Nisida. Fixées dans le périple, toutes ces Roches se meuvent dans le poème.

En un cas, nous pouvons suivre, étape par étape, la mise en train et la marche de cette « animation » : Polyphème le Cyclope n’est pas entièrement dégagé de sa gangue montagneuse ; cet homme, qui pourtant se meut, parle, mange et souffre, reste semblable aux pics volcaniques de son pays des Yeux Ronds : « Ah ! le monstre étonnant ! dit Ulysse. Il n’avait rien d’un bon mangeur de pain, d’un homme : on aurait dit plutôt quelque pic forestier qu’on voit se détacher sur le sommet des monts ». C’est la vision que Strabon nous donne du Vésuve avant la première éruption de l’an 79, et c’est la vision que nous avons aujourd’hui de ce Monte Nuovo napolitain, qui, brusquement surgi en 1538, puis tombé en sommeil, est aujourd’hui