Ulysse, repoussé par Éole, est poussé par le vent chez les féroces Lestrygons, qui gardent le détroit entre la Corse et la Sardaigne :
Nous entrons dans le port bien connu des marins ; une double falaise, à pic et sans coupure, se dresse tout autour, et deux caps allongés, qui se font vis-à-vis au devant de l’entrée, en étranglent la bouche. Ma flotte s’y engage et s’en va jusqu’au fond, gaillards contre gaillards, s’amarrer côte à côte : pas de houle en ce creux, pas de flot, pas de ride ; partout un calme blanc. Seul, je reste au dehors, avec mon noir vaisseau ; sous le cap de l’entrée, je mets l’amarre en roche : de troupeaux ou d’humains, on ne voyait pas trace ; il ne montait du sol, au loin, qu’une fumée.
J’envoie pour reconnaître à quels mangeurs de pain appartient cette terre ; les deux hommes choisis, auxquels j’avais adjoint en troisième un héraut, s’en vont prendre à la grève une piste battue, sur laquelle les chars descendent à la ville le bois du haut des monts. En approchant du bourg, ils voient une géante qui s’en venait puiser à la Source de l’Ours, à la claire fontaine où la ville s’abreuve : d’Antiphatès le Lestrygon, c’était la fille.
« On s’aborde ; on se parle ; elle, tout aussitôt, leur montre les hauts toits du logis paternel. »