Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/138

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suite de chants à un auditoire (et pourtant c’eût été le seul moyen, je ne dirai pas de faire saisir cet ensemble au public, mais seulement de le lui faire entendre), il s’ensuit forcément que c’est la force inéluctable des choses qui s’opposait à ce plan de l’ouvrage entier... » L’Iliade a plus de quinze mille vers et l’Odyssée, plus de douze mille : « Deux œuvres de cette taille auraient exigé un travail manuel et des instruments qui en eussent permis la notation immédiate et la transmission intégrale soit au public, soit à quelques fidèles. Sans écritoire et sans tablette, Homère n’a pas pu imaginer seulement, à plus forte raison composer des poèmes d’une telle longueur et d’une contexture si composite et si continue. »

Et voilà le dé jeté !... Mais à peine a-t-il roulé sur la table que Wolf essaie de le remettre au fond du cornet : « L’admirable construction et le plan de ces épopées, comme la disposition de leurs parties, présente des difficultés ; je veux laisser à d’autres le soin de les développer... J’ai rempli ma tâche... Ce sont là des matières qui méritent l’étude de nombreux chercheurs et par des voies très diverses. J’en appelle surtout à ceux qui, pouvant mesurer par leur propre génie le génie de l’homme en ces affaires, peuvent aussi juger de l’art antique en pleine connaissance, aux Klopstock, aux Wieland, aux Voss. Car les Français avec leurs règles et formules du poème épique ne peuvent rien nous apprendre... »

Malgré le mépris que l’on doit avoir — en 1795 — pour tous ces Français « ineptes », il faut avouer pourtant que les arguments de certains d’entre eux, surtout en ce qui regarde l’unité de l’Odyssée, ne sont pas sans valeur, et Wolf, en un long chapitre, se demande si « l’Odyssée, en son admirable et compacte unité, ne doit pas être tenue pour le plus illustre monument du