Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/250

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moins douteux à son sujet, c’est que cet homérisant de parade fut surtout un exploitant de la science d’autrui, un placier des études alexandrines à travers le monde romain, pour tout dire, un charlatan à la voix retentissante, aux affirmations sans pudeur, une vraie « cymbale du monde », comme l’avait surnommé l’empereur Tibère.

La seule raison que l’on puisse entrevoir au choix de cet Apion par Wolf, c’est qu’après la période ionienne des origines, Pisistrate lui apparaissait comme le premier nom de la période athénienne, puis Zénodote, le premier nom de la période alexandrine, et Apion, de la période romaine, laquelle, aux yeux de Wolf, s’étendait jusqu’à un autre Levantin transplanté, lui aussi, à Rome : Porphyre.

Cette « période romaine » est l’une des grandes divisions de l’histoire et de la civilisation antiques ; mais elle n’existe pas à vrai dire dans l’histoire et les études d’Homère. Avant comme après Apion, ce sont les mêmes procédés, les mêmes recherches, la même tradition d’Alexandrie et de Pergame, du monde hellénique, qui se poursuivent soit au Levant soit au Couchant du monde romanisé ; les études homériques n’ont eu dans l’antiquité que trois grandes capitales, Athènes, Alexandrie, Byzance ; de Zénodote à Porphyre, la période alexandrine se continue soit à Rome soit dans les provinces ; cent ou cent cinquante ans après Auguste, Hérodien et Nicanor continuent d’alexandriniser sur telle et telle question homérique ; Jacob La Roche, l’auteur de la Critique homérique dans l’Antiquité[1], a eu raison de saluer en Hérodien le dernier des grands Alexandrins.

Or, la découverte de Villoison et les scholies de son Venetus indiquaient à Wolf la vraie place d’Hérodien ;

  1. Die homerische Textkritik im Alterthum von Jacob La Roche, Leipzig, 1866.