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Parmi les cas de scatomanie, je retiendrai seulement ceux dont l’accomplissement témoigne d’un caractère intentionnel bien marqué d’offense, d’insulte ou de dérision à l’égard des adversaires.

À Vic-sur-Aisne (Aisne), une modiste avait dans son magasin un grand nombre de chapeaux, de forme en paille et en feutre, de fleurs, de plumes, de rubans. Il n’est pas un de ces objets qui n’ait été souillé. Parmi eux, un certain nombre étaient garnis de tiges de fer et ne semblaient pas devoir se prêter à l’usage auquel ils furent soumis. Il en fut de même de voilettes dont les mailles écartées ne pouvaient qu’insuffisamment protéger les doigts des soldats scatomanes.

En traçant ces lignes, je ne puis m’empêcher de me reporter au chapitre xiii, Livre i, de la vie de Gargantua.

« Je me torchay après, dit Gargantua, d’un couvre-chief, d’un oreiller, d’une pantophle, d’une gibessière, d’ung panier ; mais o le malplaisant torchecul ! Puis d’un chappeau. Et notez que des chappeaux les uns sont ras, les autres à poil, les autres veloutez, les autres taffetassez, les autres satinizez. Le meilleur de tous est celui du poil, car il faict très bonne abstersion de la matière fécale. »

Lorsque Grandgousier admirait l’esprit merveilleux déployé par Gargantua dans l’invention d’un torchecul, il ne se doutait pas que, quatre siècles plus tard, des officiers allemands feraient preuve d’un aussi incomparable esprit d’ingéniosité. C’est que leur Kultur en est encore à l’âge que pouvait avoir Gargantua lorsqu’il se complaisait à s’exercer dans les mêmes inventions. Il est vraiment à regretter qu’aucun de ces gentilshommes n’ait songé à inscrire sur son carnet de guerre les comparaisons auxquelles il fut en mesure de se livrer dans la boutique de la modiste de Vic-sur-Aisne.

À Ypres, dans la bijouterie de madame Heursel, après avoir saccagé les vitrines, les Allemands s’ingénièrent à remplir de matières fécales les tiroirs, et à peinturlurer les glaces, les boiseries et les portes.

Au château de Francport, dans la forêt de Laigue, un général allemand résida pendant un court espace de temps. Au moment de quitter la place un de ses officiers d’ordonnance s’aperçut que son supérieur n’avait souillé aucun meuble. Il s’empressa de revenir sur ses pas pour réparer cette omission. Avisant dans un salon une commode de Boule d’un prix élevé, il y jeta son dévolu et se servit d’un des tiroirs comme d’un water-closet.