Page:Büchner - La Mort de Danton, trad. Dietrich, 1889.djvu/347

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il se cramponnait à son ami comme s’il voulait pénétrer en lui ; c’était le seul être qui pour lui vivait et par lequel il se reprenait à l’existence. Insensiblement les paroles d’Oberlinle ramenaient à lui, il tombait à ses genoux, ses mains dans les mains du pasteur, son visage couvert d’une sueur froide sur le sein de celui-ci, frémissant et tremblant de tous ses membres. Oberlin éprouvait une compassion sans bornes, la famille s’agenouillait et priait pour le malheureux, les servantes s’enfuyaient et le tenaient pour possédé. Quand il retrouvait un certain calme, c’était comme les lamentations d’un enfant; il sanglotait, il concevait pour lui-même une profonde, profonde pitié ; c’étaient aussi ses moments les plus délicieux.

Oberlin parla de Dieu. Lenz se retourna tranquillement, le regarda avec l’expression d’une douleur infinie, et dit enfin : « Mais moi, si j’étais tout puissant, voyez-vous, si je l’étais, je ne pourrais supporter la souffrance, je sauverais,je sauverais; je ne demande que le calme, le calme, seulement un peu de calme, pour pouvoir dormir ». Oberlin lui dit que c’était une profanation. Lenz secoua la tête d’un air désolé. Les demi-tentatives de suicide que, dans l’intervalle, il essaya sans discontinuer, n’étaient pas très sérieuses. C’était moins le désir de la mort, — car pour lui il n’y avait aucun repos et aucune espérance dans la tombe, — qu’un effort destiné, dans ses moments de sombre désespoir ou de calme