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préface.

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ledébut de la seconde période, ce caractère d’homogénéité disparaît tout à coup. Trois grands rameaux s’élancent du vieux tronc germanique : c’est d’abord la langue du nord, d’où naitront le danois, le suédois et l’islandais ; puis le bas allemand, langue de l’Allemagne septentrionale, dont les principaux dialectes sont le néerlandais, le’frison, et qui, portée par les Saxons dans la Grande-Bretagne, a contribué à la formation de l’anglais ; enfin, le haut allemand, dont nous avons indi qué les phases diverses et le développement continu. La langue du nord, issue de la souche germanique, s’en détache bien vite pour se déployer chez les peuples scandinaves : restent donc le bas allemand et le haut allemand, qui, par leurs contrastes, par leur action réciproque, ont constitué peu à peu la langue moderne de l’Allemagne. Ces termes, bas allemand, haut allemand, étaient, dans l’origine de pures dénominations géographiques : le bas 1

allemand était la langue de la basse Allemagne, la langue des plaines du nord ; le haut allemand était la langue du midi, celle qu”on parlait du côté des montagnes et des plateaux. Peu à peu cependant cette signification s’est modifiée ; le bas allemand a représenté la langue des classes populaires, un idiome moins pur, moins correct, tandis que le haut allemand, perfectionné par les classes supérieures, devenait presque synonyme de langue écrite, Schriftsprache. Le haut allemand, dans les premiers temps surtout, se divisait en nombreux dialectes, dontles philologues de nos jours sont occupés a marquer les caractères et les limites ; « les principaux, dit M. Regnier, paraissent être Palémanique, le bavarois, le franc, c’est-a-dire les langues des trois principales familles des peuples de la haute Allemagne. D’autres remplacent l’alémanique par le souabe, »qu’ils regardent comme composé de la langue des Alémans et de celle des Suèves » On peut dire toutefois que, grâce au travail des siècles, .une certaine unité générale a fini par s’établir entre ces divers dialectes, et qu’il n’est plus resté-en présence que les deux langues sœurs, le bas allemand et le haut allemand. L’histoire de leurs rapports et de l’action qu’elles exercent l’une sur l’autre est intimement liée à l’histoire de la littérature. Quand la cour. brillante des Hohenstaufen suscite des poëtes chevaleresques, au xu’siècle et au xm°, c’est le haut allemand qui l’emperle. Dans les deux siècles suivants, la littérature devient populaire et presque démocratique ; des ouvriers chanteurs, les Mcistersœnger, succèdent aux chautres d’amour ; la prose prend la place de la poésie ; les écrivains en renom sont des moralistes, des prédicateurs populaires, des gens qui s’adressent à la foule et qui lui parlent son langage ; dès lors le bas allemand prend le dessus.’La grande originalité de’Luther, dans sa traduction de la Bible, c’est d’avoir cherché à unir les deux idiomes, et d’avoir accompli cette tache avec le bon sens du génie. Tantôt il empruntait au bas allemand ce qui pouvait vivifier la langue des hautes classes ; tantôt il écartait du haut allemand tout ce qui ne pouvait être immédiatement compris de la-foule. Il nous dit lui-même son secret dans le livre intitulé Propos de table.~ « Je n’ai pas, en allemand, une langue a part, une langue qui me soit propre ; mais j’emploie l’allemand commun, pour que l’on me comprenne å la fois dans la haute et dans la basse Allemagne... Ce n’est pas aux lettrés de la langue latine qu’il faut demander, comme font les ânes, comment on doit parler allemand : c’est ù la mère de famille dans sa maison, aux enfants dans les rues, à l’homme du peuple au marché. Examinez leur bouche, le mouvement de leurs lèvres, puis écrivez et traduisez d’après cela. Alors, du moins, ils comprennent, et voient bien qu’on leur parle allemand. » ’Cette langue, fixée par Luther, et perfectionnée depuis trois siècles par tant d”écrivains supérieurs, est certainement une des plus riches de l’Europe moderne. Sa syntaxe, très-savamment constituée, est aussi remarquable par la souplesse que par la majesté de ses formes. Grace ù. sa facilité d’i : inversions, à. la variété de ses tours, aux régles qui lui permettent de composer des mots nouveaux, elle se prete merveilleusement à la traduction des chefs d’œuvre étrangers ; elle peut en donner, ›pour ainsi dire, un calque d’un e fidélité absolue, sans cesser d’être conforme à son propre génie. Si elle possède certains sons rudes à l’oreille et d’une émission un peu pénible, cette rudesse même, pour qui sait en tirer parti, devient la source d’une harmonie virile. En un mot, la langue allemande présente d’admirables ressources, mais il faut qu’elles soient mises en œuvre par un écrivain digne de ce nom ; entre les mains d’un écrivain médiocre, -ces ressources deviendraient autant de piéges. Séduit par ces formes amples et faciles, .qui acceptent si aisément les propositions incidentes et prolongent la phrase à plaisir, il se laissera entraîner à des périodes sans fin, où se perdra la pensée. ’l’rop souvent aussi, abusant’des privilèges de sa langue, il créera des mots sans nécessité, et, parce qu’il aura fabriqué une expression nouvelle, il s’imaginera qu’il a trouvé une idée. La netteté, ce vernis des maîtres, voila ce qui manque’le plus au magnifique idiome des Allemands. Nous avons cité l’éloge enthousiaste que le poëte de la Messiade fait de sa langue maternelle ; nous pouvons bien rappeler aussi que l’auteur de Faust et d’Iphigénie, dans ses vers comme dans sa prose, a toujours recherche la clarté, la précision, la justesse, et que, sans renoncer aux richesses de sa langue natale, il tâchait d’y ajouter les qualités non moins précieuses de la langue de Voltaire. V. J.-G. Eckard. Historia studii etymologici lingua ; Germanicœ hactenùs tmpensi, Hanovre, 1711, in-80 ; Schilter, ’ Thesaurus antiquilatum Germanicarum, Ulm, 1728, in-fol. ; Michaeler, Tabula-2 parallelœ antiquissimor-um Teutonicce lingues dialectorum, Inspruck, 1776 ; Vater, Preuves des dialectes populaires allemands, en all., Leipzig, 1816 ; Radlof, La langue allemande expliquée par ses dialectes, en all., Francf.,1827 ; Th. Heinsius, Histoire de la langue et de la littérature allemandes, en all., 4° édit., Berlin, 1819 ; Kaindl, La langue allemande par ses racines, en all., Sulzbach, 182, 4 vol. ; Dorn, Sur les rapports de parenté entre les langues persone, allemande et latine, en all., Leipzig, ~1829 ; J. Bosworth, The origin’of the Germanic and Scandinavian langages, Londres,1836, in-8o ; Wachter, Glossarium germanium, Leipzig, 1737, 2 vol. in-fol. ; Haltaus, Glossarium germanium medii œvi, Leipzig, 1758, .2 vol. in-fol. ; Klein, Dictionnaíreprovincia allemand, Francfort et Leipzig, 1792, 2 vol. ; J ;-Ch. Adelung, E’ssai d’un Dictionnaire complet du haut allemand, avec notes et discussions grammaticales, en all., Leipzig, 1793-1801, 4 vol. in-1° ; C.-P. Moritz, Dictionnaire grammatical de la langue allemande, en all., Berlin, 1793-1800, 4 vol. ; J.-H. Campe, Dictionnaire de la lanÿque allemande, en all., Brunswick, 1807-1811, 5 vol. in-4 ; Th. Heinsius, Dictionnaire de la langue allemande, en all., Hanovre, 1818-1822, 4 vol. in-SU ; Pœlitz, Domaine complet de la langue allemande, en all., Leipzig, 1825, 4 vol. in-80 ; J.-G. Kunisch, Manuel du haut allemand ancien, en all., Leipzig, 182*i›, 3 vol. ; Schmeller, Sur l’étude du haut allemand, en all., Munich, 1827 ; Eberhards et Maas, Essai d’une synonymique allemande, en all., 1795-1802, ouvrage refondu par Gruber, Halle, 1826 et suiv., 6 vol. in-8o ; Gran’et Massman, Trésor ou Dictionnaire du vieux haut allemand, en all., Berlin, 1831 et suiv., 7 vol. in-4o ; J. Grimm, Dictionnaire complet de la langue allemande (en cours de publication). ›- La première grammaire allemande, celle de Valentin Ickelsamer, parut vers 1534 sous le titre de ïeutsche gramrnalica. Parmi les grammaires modernes, on remarque celles de Morhof (Kiel, 16823, d’Adelung (Berlin, 1781), de Grimm- (Gbettingue, 182—1837, 4 vol. in-8o), et de Becker Francfort, 2° édît., 1813, 2 vol. in-80). Des grammaires crites en français, les plus suivie : ont été celles de Gottsched, de Meidinger, de l’sbbé Mom, de Simon, et celle de M. Adler Mesnard, dans son Cours complet de la langue allemande, -Paris, 1800-62, in-12. Il existe des dictionnaires allemand-français par l’abbé Mozin, par Henschel, par Suckau, par Schuster et Rcgnier. S. R. T. Attnnnivoe (Littérature). L’histoire littéraire de l’Al|emagne, au milieu de ses directions si variées, offre d’abord trois grandes périodes : le moyen âge, la Béformation et le xviufl siècle. Au moyen âge, avec les Minnesœnger et les auteurs des poëmes chevaleresques ; au xvi’siècle, avec Ulrich de Hutten, Thomas Murner, Martin Luther, Hans Sachs, Jean Fiscliart ; au xvin°, avec Lessing, Klopstock, Herder, Gœthe, Schiller et tant d’autres, l’Allemagne nous donne, sous trois formes très-diverses, l’éclatante manifestation de son génie. Au moyen âge domine l’inspiration féodale ou religieuse ; au xvi” siècle, un réveil ardent de l’esprit germanique ; au xvuiv, ’une sorte d’éclectisme universel, intelligence impartiale de toutes les œuvres de l’esprit humain, généreux désir de tout comprendre et de tout reproduire, en un mot ce que Gœthe appelle hardiment la littérature du monde (die lVeltlitleratur). La première de ces périodes s’étend de la moitié du Xn’siècle à la moitié du xLv“ ; la seconde embrasse tout le siècle où se produisit la Réformation ; la troisième commence vers 1730 et se prolonge jusqu’à la mort de Gœthe. Mais ces trois périodes ne naissent pas et ne disparaissent pas tout 21 coup : avant les brillant !