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LE SERVITEUR

ils détenaient les secrets de la seule véritable éducation. Et, si tu leur rappelais les coups de tabatière et de règle du frère Saint-Dié, ce n’était jamais qu’en riant. Tu savais n’avoir rien de semblable à redouter d’eux, aujourd’hui que nous les recevions dans notre maison où nous leur offrions la goutte. Je le sentais, et j’en étais fier. Je sentais aussi que, protégé par toi, je n’avais rien de semblable à redouter d’eux. Et puis je pensais que jamais le frère Saint-Dié n’avait dû taper très fort. Je me rappelle qu’un soir le frère Stanislas prophétisa la venue prochaine de l’Antéchrist : tu l’approuvas avec plus de conviction que jamais. Ce fut une de mes plus grandes émotions. Je pensais aux supplices qui nous étaient réservés, à nous qui de si près touchions à l’église. Et c’étaient des soirs où, dans de vieilles maisons entourées de neige et de bise, les grandes histoires, les belles légendes que se transmettent les hommes prennent un sens concret et deviennent susceptibles, pour qui les creuse, d’une application immédiate. Et c’est ainsi que peut-être un de nos ancêtres, expirant en l’an mil, a pu croire prochaine la fin du monde.