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LE SERVITEUR

mieux, par exemple de Paris, ou d’ici, près de toi, les yeux fermés. J’aurais beau vouloir la retrancher de ma pensée : je ne le pourrais pas plus que supprimer mon enfance. Je souffrirais de la comparer aux cathédrales célèbres : sous leurs voûtes circulent des touristes indifférents, guide en mains et l’étui noir de la jumelle battant sur leur cache-poussière beige. À la vérité il en vient quelques-uns ici ; mais ce qu’ils regardent surtout, c’est le panorama que du cimetière on découvre. Parfois, les beaux matins d’été, quand tu as laissé la grand’porte ouverte à deux battants, ils entrent. Ces étrangers sont pour moi des intrus. Que ne puis-je les chasser du Temple ! C’est comme s’ils entraient dans notre maison. Mes souvenirs, que presque chaque jour multiplie et qui prospèrent à l’ombre de ce pilier, dans cette chapelle silencieuse, dans les deux sacristies, dans le chœur, à la tribune où pendent les cordes des trois cloches, ces touristes passent devant et marchent dessus sans en soupçonner la présence. Ils ne sentent point qu’ils ne sont pas chez eux. Notre église est le lieu de la solitude, du recueillement et de la prière. Elle est grande. Pourtant il n’y a point