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LE SERVITEUR

colombe qui fit entendre ces paroles : « Que notre bien-aimé vienne maintenant recevoir la couronne d’une joie sans fin, parce qu’il a été fidèle. » C’est ainsi qu’il passa paisiblement de ce monde, l’an de N. S. 1012.

Tu ne te demandais pas si, venu l’instant, une colombe prendrait la parole au-dessus de toi, au milieu d’une clarté surnaturelle. Pareil miracle t’aurait étonné, et tu ne t’en estimais pas digne. Mais tu savais que Dieu est tout-puissant, et que les éléments, les animaux et nous-mêmes sommes dans sa main. Or ces miracles te semblaient être dans l’ordre naturel tel que tu le concevais : ils étaient la condition même de ces vies dont la lecture était pour toi une délectation spirituelle et un perpétuel sujet d’édification. Ton cerveau n’était desséché ni par la critique ni par le doute ; la foi au merveilleux y poussait ses fleurs les plus fraîches. Les Saints apprivoisaient les bêtes féroces des déserts et les bêtes sauvages de nos pays, et le loup devenait frère Loup. Ils suspendaient leur manteau à un rayon de soleil. Ils enfonçaient en terre un bâton desséché qui tout de suite prenait racine et se couvrait de fleurs et de feuilles. Des