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LE SERVITEUR

« rapporter » à ses fils plus d’argent que le travail de la terre. C’est ainsi que, depuis, nos pays sont devenus de véritables pépinières de valets et de femmes de chambre. Certainement, il en faut. Ils reviennent vivre chez nous en rentiers, et ils veulent imiter les manières distinguées de leurs anciens maîtres. Quand je me moquais d’eux, tu ne me comprenais pas, sachant qu’il y a place sur la terre pour tout le monde, et qu’il faut que tous les métiers soient exercés.

Vous n’aviez pas perdu de vue votre ancien maître, l’abbé Petitier. Il était curé de Sougy, par là-bas, quelque part, très loin de Lormes bien que ce fût dans la Nièvre, « du côté de Nevers ». Il avait besoin d’un petit domestique. Tu fus à sa disposition.

Il y a là des paysages qui ne ressemblent guère aux nôtres : d’immenses prés, des saules à l’infini, les rivages de la Loire qui ne sont que des bancs de sable parsemés de bouquets d’arbustes maigres. Tu étais loin de nos petits étangs, et de nos grands bois, et de nos chênes puissants, et de nos durs foyards. Là, tu vécus des années, soumis et patient, très peu payé,