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DES ANCIENS.

percevoient des vaisseaux elles s’efforçoient de séduire les navigateurs par leurs chants mélodieux, tâchant d’abord de les engager à s’arrêter, puis de les attirer jusqu’à elles ; et lorsqu’elles y réussissoient, après s’être saisies d’eux, elles les égorgeoient ; leur chant n’étoit rien moins qu’uniforme et monotone, mais elles savoient en varier le mode, le ton et la mesure, pour l’approprier au naturel et au goût de ceux qu’elles vouloient séduire ; par le moyen de cet art perfide elles avoient fait périr un si grand nombre d’hommes, que la surface de ces isles qu’elles habitoient, paroissoit dans l’éloignement d’une blancheur éclatante, à cause de ces ossemens dont elles étoient couvertes. Cependant on pouvoit se garantir de ce fléau par deux genres de moyens, dont l’un fut employé par Ulysse et l’autre par Orphée. Le premier ordonna à tous ses compagnons de se boucher les oreilles avec de la cire. Pour lui, voulant faire l’épreuve des effets de ce chant, mais sans courir aucun risque, il se fit attacher au