Page:Bacon - Œuvres, tome 15.djvu/410

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la route qu’il vient de lui frayer, et l’excite à devancer le maître. On contracte aussi, dans un long commerce avec le grand homme que nous interprétons, cette modeste et judicieuse audace qui semble être l’appanage du vrai génie, et qui étend la sphère des sentimens, en élevant les pensées : en un mot, il élève l’ame ; et n’est-ce pas, sinon tout, du moins la plus noble partie du tout, ô analystes minucieux et puériles ! qui en vous perdant éternellement dans l’infiniment petit, semblez avoir oublié que l’homme, pour exercer toutes ses facultés, en les balançant l’une par l’autre, et se complèter lui-même, doit aussi permettre quelquefois à son imagination de prendre un noble essor vers l’infiniment grand ; mais en commandant à sa raison de se maintenir dans ce milieu où la nature semble l’avoir posté lui-même. Trop souvent l’homme est esclave, dans le monde intellectuel, parce qu’il a peur de son sujet, comme il est esclave, dans le monde réel, parce qu’il a peur de sa liberté. On se sent guérir peu à peu de cette double et vile terreur, en lisant et plus encore en méditant cet exposé des plus fameuses hypothèses des anciens philosophes, ouvrage d’ailleurs précieux pour tout lecteur curieux de savoir ce qu’ils ont pensé sur ce vaste sujet, et jaloux de s’assurer par lui-même si les physiciens de ces derniers temps ont été fondés, ou non, à re-