Page:Bacon - Œuvres, tome 5.djvu/390

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que la religion, la morale et la politique s’élèvent contre vous, appeler franchement cette substance un corps, une matière. Après quoi, vous vous hâterez de faire de cette matière un fluide que vous aurez grand soin de subtiliser à tel point, qu’il échappe à l’imagination même, et que vous échappiez vous-même aux objections qu’on ne manqueroit pas de vous faire si on vous comprenoit. Et long-temps, bien long-temps après, vous vous apercevrez que la question agitée depuis tant de siècles par les matérialistes et les spiritualistes de toute couleur, n’est qu’une pure dispute de mots, qui se réduit à savoir quel nom il faut donner à une substance qui a des propriétés fort différentes de celles que nous avons observées ou supposées dans les êtres qui sont l’objet de notre étroite physique, et d’autres propriétés fort semblables à celles de ces êtres. Car, après tout, si une âme, comme vous le prétendez, peut mouvoir un corps, comme un corps en mouvement a aussi la faculté de mouvoir d’autres corps, ces deux substances ayant déjà une propriété commune et une propriété bien importante, seroit-ce donc uns hérésie dans la religion du bon sens, et un barbarisme dans la langue du sens commun, que de leur donner le même nom ? Il se peut que deux êtres qui, dans les mêmes cas, font les mêmes choses, soient fort différens ; mais il se peut aussi, et il est très probable qu’ils sont fort semblables.