Page:Bacon - Œuvres, tome 5.djvu/406

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lifions de brutes, sont capables de raisonnemens assez composés ; et si ces faits nous étonnent, notre étonnement est l’effet de cet orgueil qui nous fait croire que la faculté de raisonner est réservée à notre espèce. Il est vrai que les animaux raisonnent peu, et seulement sur ce qui leur est immédiatement utile ; au lieu que l’homme, doué d’une raison bien supérieure, a la faculté de raisonner sur ce qui ne lui est bon à rien, et de se rendre, à force de raisonnemens, beaucoup plus malheureux qu’il n’eût été, en végétant un peu plus, et en se faisant aussi bête que J. J. Rousseau l’eût souhaité. Enfin, s’il est vrai que bien raisonner, ce soit arriver à son but, même en raisonnant fort peu, et que déraisonner, ce soit le manquer, en raisonnant beaucoup, la raison même nous dit que l’animal brute est plus raisonnable que l’homme. Quoi qu’il en soit, s’il restoit quelque doute sur cette faculté que j’attribue aux animaux, voici un fait qui ne laisse plus d’équivoque sur ce point, et dont j’ai été moi-même témoin. Deux ou trois jours après mon arrivée à Saint-Malo, étant seul un soir dans la maison où l’on m’avait mis en pension, et qui avoit l’air d’un vrai château à revenans, je vis la porte s’ouvrir comme d’elle-même, ce qui me causa un léger mouvement de frayeur ; puis regardant à terre, j’aperçus un chat sur lequel mes soupçons ne tombèrent point. Au retour