Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/283

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qu’à laisser faire… Ça irait tout seul… on n’aurait qu’à pousser un peu à la roue, par derrière, sans en avoir l’air… Seulement, si on ne s’en mêlait pas un peu, ça pourrait bien aussi traîner longtemps… Savoir pourtant si je ne me mets pas le doigt dans l’œil, moi, avec mes idées ? II faudrait avant tout s’assurer… Oui, mais comment ?… Bah ! en s’y prenant adroitement… Avec Marguerite surtout, ce sera bien le diable si je n’arrive pas à en tirer ce que je veux !… Quelle heure est-il ? Deux heures. Bon ! je sais où je vais la trouver. »

Et, faisant un détour savant du côté de la petite ferme où Marguerite devait visiter ses dernières couvées, l’astucieux Daniel s’arrangea de façon à se trouver brusquement en face de sa nièce ; et tout aussitôt, sans lui donner le temps de se retourner, comptant précisément sur la surprise du premier moment pour provoquer une réponse non préparée :

« Dis-moi, mon petit, tu n’as pas encore songé qu’il faudra bien que tu te maries un de ces jours ? »

Le petit stratagème de l’oncle Daniel réussit au delà de ses espérances ; la pauvre Marguerite devint de toutes les couleurs, et c’est à peine si elle trouva la force de balbutier :

« Moi, mon oncle ? Pourquoi me demandez-vous cela ? Quelle drôle d’idée !

— Ah ! voilà, continua Daniel en prenant un air mystérieux : c’est que je t’ai trouvé un mari, moi !… Chut ! Il ne faut pas le dire ; c’est entre nous. »

La recommandation était superflue, car l’enfant était hors d’état, pour le moment, de dire quoi que ce fût à personne, tellement elle était paralysée par l’émotion.