Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/56

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loin d’accueillir la gracieuseté du fonctionnaire hova avec la gratitude qu’elle semblait mériter, le reçut comme un chien dans un jeu de quilles. – « Un veau ! lui dit-il avec hauteur ; un veau, quand des gens comme nous se présentent dans ton gouvernement ! Va nous chercher ton plus gros bœuf tout de suite, ou tu entendras parler de nous ! » Jamais sans doute le pauvre gouverneur ne s’était entendu parler sur un ton pareil dans ce pays où le blanc, toujours isolé, se présente plutôt avec des formes insinuantes et diplomatiques, pour ne rien dire de plus. Impressionné cependant par l’assurance du Vasaha, il s’empressa d’obtempérer à son impérieuse mise en demeure. Pendant qu’il allait chercher son bœuf, le vieux Daniel dit à son neveu :

« C’est comme cela qu’il faut parler à ces gens-là, si l’on veut qu’ils vous respectent. Comme il peut se faire que tu aies besoin quelque jour de ce grotesque personnage, j’ai voulu lui donner une haute idée de ton importance. »

Le gouverneur étant revenu peu après avec un bœuf superbe, l’oncle Daniel daigna cette fois accueillir son hommage et riposta par un litre de rhum et une vieille casaque de jockey rouge cerise à manches jaunes. Puis après un kabary, qui fort heureusement ne se prolongea pas trop tard, le délicieux fonctionnaire se retira enchanté et nos deux voyageurs purent s’endormir, la conscience tranquille, sur leur couchette de campement.

En rentrant le lendemain à Maevasamba, l’oncle Daniel engagea vivement son neveu à ne pas se hâter de choisir l’emplacement où il devait établir son installation définitive avant d’avoir étudié soigneusement le terrain