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Page:Baillargeon - La Neige et le feu, 1948.djvu/73

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mains épaisses aux doigts velus, Berlital attaqua, et comme un sculpteur en délire aurait modelé à coups de pouces des figurines d’argile, joua pour commencer des airs de Mozart qui ravirent Boureil. Puis, morceau sur morceau, le concert de tout à l’heure s’éleva puissamment, léger. Berlital chantait à tue-tête les mélodies, et comme si les fantômes des compositeurs l’avaient accompagné doucement dans l’ombre, au fond du studio, le piano fermé résonnait…

Philippe et Madeleine, pour se remettre de leur émotion, revinrent à pied, aspirant l’air frais de la nuit. Les rues étaient désertes, les maisons obscures. Et de ce fait, il leur sembla revenir d’un monde encore plus loin du leur. Jusqu’au parc, ils ne dirent mot. Madeleine rompit le silence :

— Jamais l’incompréhension des autres ne m’a paru si nécessaire à l’artiste. Il faut que l’artiste essaie de percer le mur qui nous