Lorsque, dans nos excursions, nous étions transportés sur les sommets des Vosges, couronnées de distance en distance par les ruines des vieux burgs du moyen âge, quel panorama admirable il nous était donné de contempler ! Une plaine d’une fertilité incomparable, parsemée de bois, de vignes et de coquets villages, et, à l’horizon, la longue ligne argentée du vieux Rhin (der Vater Rhein) coulant au pied des montagnes de la Forêt-Noire.
Par les temps clairs, la vue s’étendait jusqu’aux glaciers de l’Oberland et on apercevait au nord la flèche de la cathédrale de Strasbourg élevant hardiment vers le ciel sa délicate dentelle de pierre. Quel beau spectacle ! Comme il élevait l’âme et on comprenait que cette terre, vraiment bénie de Dieu, avait dû depuis des siècles exciter successivement les convoitises du Franc et du Germain.
Pendant les vacances de 1854 mes parents m’emmenèrent avec eux en Allemagne. Indépendamment de ce que les voyages forment, dit-on, la jeunesse, mon père voulait me perfectionner dans la langue allemande que je commençais à parler. Dire qu’il a fallu la guerre de 1870 pour faire comprendre la nécessité d’apprendre aux enfants la dure langue de nos voisins !