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Page:Baillehache - Souvenirs intimes d'un lancier de la Garde impériale, 1894.djvu/30

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pour les remettre entre les mains des autorités allemandes.

Kehl et son pont de bateaux sur le Rhin ! Que de fois je l’ai traversé lorsque nous revenions de nos voyages d’Allemagne. Le chemin de fer s’arrêtait à Kehl, et on prenait une diligence qui vous conduisait à Strasbourg. Le Rhin était majestueux à cet endroit et roulait lentement ses eaux vertes. Quel beau fleuve ! Il m’a toujours plus impressionné que les autres fleuves de France. La voiture s’engageait lentement sur le pont de bateaux qui remuait, et l’on se penchait aux portières pour apercevoir la flèche de la cathédrale se détachant à l’horizon. Tout à coup la vue s’arrêtait sur deux soldats en faction au milieu du pont et se touchant presque. Cependant ces deux hommes ne se parlaient ni ne quittaient le poteau près duquel chacun avait été placé ; ils se contentaient de se regarder fièrement. Le premier poteau, rayé de rouge et de jaune, supportait les armes de Bade, et son factionnaire, coiffé du casque à pointe, indiquait qu’à cet endroit du vieux fleuve finissait l’Allemagne. L’autre poteau était gardé par le second soldat. En apercevant, surtout après un long voyage, son pantalon rouge, sa capote grise et son shako à la visière crânement relevée, vous étiez ému, et le battement