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Page:Baillehache - Souvenirs intimes d'un lancier de la Garde impériale, 1894.djvu/47

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lampes fumeuses et dont les fenêtres donnaient sur l’étroite cour plantée d’arbres rabougris, la plus affreuse tristesse s’empara de moi. Mon bon père venait de m’embrasser au parloir, car il repartait le soir même pour l’Alsace. Je ne connaissais personne parmi les jeunes gens qui m’entouraient. Entré en pension au milieu de l’année, j’étais vraiment le nouveau, tombant au milieu d’élèves, camarades depuis déjà six mois. A neuf heures on monta au dortoir. N’ayant été qu’externe au lycée impérial de Colmar, c’était la première fois que je couchais hors de la maison paternelle. Ces dortoirs de Sainte-Barbe, au moins celui où je me trouvais, étaient bas comme des entreponts de vaisseaux et les fenêtres grillées et aux vitres dépolies semblaient le matin vouloir arrêter les rayons bienfaisants du soleil.

Le départ de mon père, mon isolement au milieu de toutes ces figures inconnues, le souvenir de ma soirée de la veille, le bouquet de ma voisine : tout cela constituait un ensemble bien fait pour m’émotionner profondément. Aussi, une fois couché et la lampe éteinte, je laissai couler silencieusement les larmes que je retenais avec peine depuis mon entrée dans cette triste demeure.

A moins de punition, on sortait tous les dimanches. Mon correspondant était une sœur