Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/170

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Il y eut comme des ailes très haut, dans le bleu philosophique : « Tout est relatif. Vous prophétisez : médiocre. Ce qui l’est pour vous, ingénieur, ne le sera pas pour moi, artiste. Vous aimez, à grand prix, un décor d’opéra ; je le prends pour rien, dans les nuages, quand le soleil se couche… »

Il y eut, lourd, le vacarme des grosses artilleries. L’oncle insinuait : « De votre aveu, Marie ignore les beautés de l’Art. Vous vous lasserez ; elle aussi : l’épouse doit être une compagne pour l’esprit… »

Et en effet. Un jour, ayant ramassé le mot, elle avait demandé : « Henry, qu’est-ce que c’est qu’un principe ? » sans qu’il trouvât la phrase assez simple pour débrouiller cette chose d’ailleurs très compliquée. Une autre fois, ô Phidias, ô Michel-Ange, maîtres du bronze et du marbre, qui pendant des jours, pour l’harmonie d’une ligne, esquissez, recommencez, refaites encore le relief d’un muscle ou le geste d’un bras, elle avait contemplé une Vénus, la Vénus de Médicis, la toute belle, vous savez ? celle debout, la main droite devant les seins, la gauche pudiquement devant le sexe et, à cause de cette main, Marie, qui pensait toujours à certaines choses, avait compris : « la Vénus de mettre ici » !

Bonne et grosse Marie ! Oh pas esthète du tout ! Tant mieux ! La grosse artillerie, vous-dis-je « Pan ! mon cher oncle, vous êtes un bourgeois. Pan pan ! vous ne savez rien des besoins de l’artiste… Pan pan pan pan ! la femme ne doit rien comprendre à l’Art, ne peut rien comprendre à l’Art, mais sans le comprendre… pan pan pan pan pan pan pan ! Marie le respecte ! »