Page:Baillon - Histoire d'une Marie, 2è édition, 1921.djvu/29

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pour elle, content d’envoyer le reste à sa mère qui avait besoin d’un châle. Elle l’apprit plus tard : profitant de l’aubaine, père s’enivra pendant huit jours et, le neuvième, brisa la moitié du ménage. Bien faire n’est pas toujours bon. Elle ne le savait pas.


Le dimanche, Marie ne sortait pas. Où aller ? Comment d’ailleurs promener un gros ventre, quand on ne peut en même temps montrer à son bras celui qui l’a fait. Elle prenait son congé à sa manière, dans sa cuisine. Monsieur parti, Ali dehors, le général avec ses nièces, elle se mettait devant sa table. Elle en avait soigneusement récuré le bois, la veille. Elle étalait dessus un vieux journal, puis ouvrait une feuille de son papier spécialement acheté pour Hector. Elle surveillait son écriture. Elle expliquait d’abord combien elle l’aimait et c’était bien fort, puisqu’elle remplissait, pour le dire, toute la première page. Sur la deuxième, elle parlait de l’enfant ; sur les deux suivantes, elle n’avait pas encore tout dit et revenait à son amour parmi d’autres nouvelles. En bas, elle mettait ses lèvres et dessinait autour un petit rond pour qu’il sût exactement où les prendre. Parfois elle ajoutait un cœur traversé d’une flèche, ou deux lettres entrelacées H. M. : Hector-Marie.

Puis elle s’installait les pieds au feu, où la bouilloire, avec son bruit de locomotive, l’emportait, à toute vapeur, dans les rêves. Elle combinait leur mariage. Elle aurait des noces modestes, sans voitures, pour éviter les frais. Elle transformerait sa robe noire. Il lui faudrait un chapeau neuf. À cause de l’enfant, la fleur