Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/141

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rai le bout de ma semelle sous la table. Elle bougea.

Le cher esprit était là.

— Qui êtes-vous, cher esprit. Voulez-vous épeler votre nom ?

La table frappa un coup : A. Puis elle en frappa seize : P. Puis quinze : 0. Puis dix-sept : L.

— Apollon ! Apollon ! c’est Apollon, crièrent les jeunes filles.

Comme j’avais le pied fatigué, je m’éloignai et la table devint muette.

— L’esprit boude, dit la poétesse. Nous avons eu tort de l’interrompre. Ce n’était peut-être pas Apollon ; mais Apollinaire.

Après quoi, un nouveau monsieur se mit au piano et l’on commença à danser.

Ma foi, j’ai déjà vu des danses : on y va carrément, on tourne avec aisance, si l’on se bouscule un peu, tant pis, danser est une joie, n’est-pas ? Ici on eût dit un travail. Cela portait un nom anglais. Il fallait se surveiller, savoir où placer la pointe du pied, où frapper du talon, quand plier le genou, quand sortir le ventre, quand le rentrer. Bref, il me semblait que ces gens qui, à l’ordinaire, eussent marché comme vous et moi, s’empêtraient dans leurs