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gressant dans la file, ils regardaient la dame et lui faisaient les yeux doux. Ils espéraient l’attendrir et qu’au moment de compter ses louches, elle aurait l’air de se tromper et en verserait une ou deux de plus. Une aubaine !

Il y avait ainsi des centaines de personnes qui allaient à la soupe, toutes avec leur récipient. Le spectacle était curieux. Pots de fer, vases de grès, vieilles aiguières, belles potiches, on ne s’imagine pas tout ce qui peut servir à recevoir un peu de nourriture à des gens qui ont faim.

La soupe que cherchait le monsieur, ne se préparait pas sur place. Elle arrivait d’ailleurs. Comme il en fallait beaucoup, on l’amenait sur une charrette à bras, dans de grosses marmites. Quelquefois, elle avait du retard. Il aurait fallu voir alors l’inquiétude de ces bougres à l’idée que leur soupe avait eu un accident, puis leur joie, quand au bout de la rue, un roulement bien connu arrivait enfin.

Un jour, peut-être parce qu’elle était en retard, la charrette arriva à toute vitesse, voulut s’arrêter, tourna trop court et vlan, une des marmites oscilla, bascula, vomit sur le pavé son beau contenu de soupe. Je sais : une marmite qui