Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nom et le matricule de ton calot : j’inscrirai ton compte.

Elle sut ainsi qu’il s’appelait : Philippe Dufau, numéro 7893.

Il vint une autre fois. D’abord il paya. Mais il se montra encore très triste. Peut-être à cause de son œil, on ne l’aimait pas à la caserne. Il se plaignit :

— Le caporal, il m’a gueulé comme ça : « Semence d’imbécile. » Le sergent m’a collé trois jours. Ah ! bon sang de malheur !

Elle le consola :

— Ne blasphème pas, mon petit. Prends patience… Oui, serre-moi comme ça.

Il vint une troisième fois. Toujours à cause de son œil, on le persécutait à la caserne. Il avait sauté le mur ; il voulait passer la nuit. Il disait :

— Je ne sais ce qui me retient. Faudra qu’un de ces jours, je déserte.

Elle s’effraya :

— Ne fais pas cela ; petit, ne fais pas cela.

Quand il venait, c’était toujours le samedi. Un samedi, il ne vint pas, ni le samedi suivant, ni aucun des autres samedis. Elle pensait : « Mais pourquoi Philippe ne vient pas ? » Les autres blaguaient : « Dufau, il est de corvée. »