Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/130

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Charles. Peut-être aussi devinais-je trop qu’avec cette créature, ce ne serait que cela. Je n’en vins pas jusque-là. Elle me rejeta brusquement :

— Pas la peine. Tu n’es qu’une bourrique.

Le mot me parut laid. Bah ! ces accidents arrivent, je ne m’en tracassai pas autrement. Mais voilà ! La fois suivante, j’y pensai et de nouveau je fus une « bourrique ». Et quand à deux reprises, on a été une bourrique… Logiquement, puisque ce n’était que cela, j’aurais pu m’en moquer. Et non ! Maintenant que je ne pouvais plus, je voulais davantage. Je ne dirai pas les noms que je donnai à mon imbécile de corps. Je regardais les autres. Il y avait Poncin. Il montrait sa grosse joue, il puait le camphre, il me dégoûtait à tourmenter pour cinq francs de pauvres vieilles femmes, mais il n’était pas une bourrique. Il y avait le patron : une machine à soutirer l’argent soit : quand même pas une bourrique. Moi j’étais une bourrique. Bourrique, bourrique, je détestais tout le monde qui n’était pas bourrique. Tourmenté de la sorte, je retombai dans mes petites histoires : mes becs de gaz, mon sel sur la viande, mes Ave, mes scrupules : Dieu me punissait. Je fus bien malheureux.

Des mois passèrent. De semaine en