Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/152

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longue et pénible maladie… J’épelais ces mots, à en crier, à me rouler par terre :

— Une crise, disait papa.

— Ah ! mon Dieu non !

Maman avait raison.

Et son visage, comment était-il ? Je ne possédais pas son portrait. « Rouge… de la sueur sur le front… il pousse entre les dents un bout de langue. » C’étaient des mots cela. Ils ne représentaient rien de Charles. Oh ! le voir ne fût-ce qu’une fois ! Je fermais les yeux ou me contraignais à regarder un coin du mur. Une espèce de tache surgissait, tourbillonnante, couleur de flammes, sans contour comme elles, qui eût pu être aussi bien le reflet du visage de Jeannot. Parfois oui, il s’y dessinait une paupière, un coin de bouche, un détail qui ne m’intéressait guère. Mais l’ensemble : le nez, le front, les yeux ? Moi qui connaissais avec leur brun, leurs paillettes rousses, les yeux de la petite brune de Neuilly, j’avais à peine remarqué les yeux de Charles ? Ils étaient gris, et après ? Plus je voulais, moins je voyais. Ou bien une figure se composait, plus boule que visage, qui se déformait comme un reflet sur l’eau, était une face d’homme, puis une face de femme, tirait la langue, clignait de l’œil et brusquement devenait un autre visage, mais jamais