Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/151

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dant ma vie de page. Comme de juste, Charles avait trouvé sa place dans mes Ave du soir. De ce chagrin, je ne montrais rien à mes parents. À quoi bon ? J’entendais d’avance le « Ça suffit » de mon père. Quant à maman, elle m’eût servi des consolations à côté : « Tu exagères… N’y pense plus ». Je voulais y penser. Au bureau, j’étais distrait. La main dans la main ; cinq, plus sept, plus… de haut en bas, neuf, plus un, plus… vraiment qu’est-ce que cela pouvait me faire ?

— Qu’avez-vous, me demandait Poncin. Mon mal ne se voyait pas à pleine joue comme le sien. Et puis comment dire ? À certaines heures, ma tête était vide, je ne pensais à rien et brusquement ce coup : Charles est mort. Mort ? À cela, pas de doute. J’avais porté la couronne, embrassé la maman, touché le cercueil : c’étaient des preuves. Pour ma raison du moins. Autre chose en moi ne les admettait pas. Mort ? Pourquoi mort ? Comment mort ? Ces mots roulaient sur ma langue sans le moindre sens.

Encore, si j’avais pu reproduire ce que j’avais ressenti de réel, d’irréparable, quand, lisant la lettre de faire part, j’arrachais ce qui m’étouffait autour de la gorge ! J’essayais. Je reprenais la lettre : CHARLES CORBIER…