Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/153

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celui de Charles. La nuit je rêvais. Un homme loin me faisait signe. C’était Charles, un Charles qui ne ressemblait pas à Charles. J’accourais, je voulais courir, car mes jambes étaient en plomb. Jamais je ne l’atteignais. Ainsi je vivais, mangeant sans savoir, étranger aux miens, sans goût, ombre parmi les ombres à la poursuite d’une ombre.

Il me venait des idées stupides. Au cimetière près de la fosse, j’avais vu un pigeon.

Le lendemain, de ma fenêtre je vis sur un toit un pigeon : le même, l’âme de Charles. Je le vis plusieurs jours. Ensuite il disparut. Que signifiait ce départ de l’âme de Charles ? Et puis, le jour de sa mort il s’était rasé. On m’avait dit que les ongles, la barbe continuent à pousser après la mort. Alors la barbe de… Quand j’y pensais, je perdais pied.

Autre chose me tourmentait. Pour l’expliquer je dois ouvrir une parenthèse. Au moment de l’enterrement, sortant le dernier, j’avais vu une clé oubliée sur la porte. Par précaution, je l’avais enlevée et mise en poche. Au milieu de mes autres distractions, cette clé m’avait valu une série d’obsessions que je donne ici dans leur désordre :

— Je ne puis cependant pas conserver cette clé. J’aurais dû la remettre à un membre de