Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/214

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ché à sa Louise, on lui colle les lèvres sur la bouche ; il prend sa couleur, sa place dans l’air, sa place dans votre cerveau. On le répète. Tout à coup, qu’est-ce qui se passe ? Une idée arrive bourdonnante et se pose sur votre mot : une idée, deux idées, un vol d’idées. Là-dessous, vous voyez la vôtre, mais avec cette foule d’idées étrangères attachées à son dos. Et maintenant répétez, répétez tant qu’il vous plaira. Que reste-t-il ? Plus rien de votre mot : un grouillement d’idées qui se multiplient, s’entre-dévorent : les unes qui meurent, les autres qui se développent, une plus forte qui avale tout, commence et vous impose sa nouvelle vie de mot. Et les idées qui naissent de votre propre cerveau, ne sont rien. Mais les autres ! Les mouches charbonneuses qui ont empoisonné leurs pattes, leur trompe, dans la pourriture qu’est le cerveau d’autrui !

À cause de Dupéché, il en fut ainsi pour Jeanne. Ce qu’il dit ? Presque rien et je ne sais pourquoi cela survint ce jour-là plutôt qu’un autre. Je parlais de Jeanne. Je finissais de prononcer :

— Nous avons passé l’après-midi ensemble.

J’entendis.

— Eh ! Eh !

Rien que cela. Mais parce qu’elles étaient