Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/222

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à coup. Mi-allongé sur le divan, Dupéché étreignait sa Louise et la berçait : dodo. J’y allais de bon cœur. J’avais de nouveau oublié tous mes griefs : « Voilà ! je suis une bourrique, mais je veux être bon. Ma voix n’est pas vilaine… Tiapa fais dodo. Je chante pour qu’ils soient heureux… » Il m’en venait des larmes : pour eux, pour moi et aussi à cause de certains souvenirs très loin : Tiapa fais dodo.

Et c’est juste à cet instant que Dupéché dégagea la tête et tourna vers moi ses yeux pâmés comme les miens tantôt. Il baissa la paupière, la releva, la rabattit : exactement le clin d’œil qui m’avait congédié à ma première visite. Une telle impertinence me parut intolérable. J’en restai bouche bée, incapable d’en tirer un son de plus. Comme l’autre fois, je cherchai mon chapeau pour partir. Je vois encore ma main qui tremblait de colère.

— Que fais-tu ? dit Dupéché.

— Tu le sais bien, bégayai-je. Tu, tu… tu m’as fait signe, je pars.

— Sacré Marcel ! Nous partirons ensemble. Je te ramènerai.

— Non ! dis-je. Je vous laisse seul à seule ou seule à seul à votre gré. Moi, entendez-vous, je suis seul.