Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/223

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En prononçant seul, je frappai du talon comme pour écraser un perce-oreille. Ils me regardèrent d’un drôle d’air. Louise souffla quelque chose à Dupéché qui fit signe que oui :

— Je t’assure, vieux, il vaudrait mieux.

— Bonsoir.

J’étais déjà dans l’escalier.

Je marchais depuis longtemps quand j’en pris conscience. Là-bas, malgré ma rage, j’avais eu soin de fermer la porte. Imbécile !… C’était la pleine nuit. Plus de tramways, presque plus d’automobiles, eux quelque part seul à seule, moi en détresse. Je me reprochais d’avoir bu trop, mais je ne zigzaguais pas. « Seul mais pas saoul, seul mais pas saoul » je scandais ce jeu de mots. Je me mis à courir sans but. J’arrivai dans l’île Saint-Louis et passai outre, comme si mon logis n’était pas là. Un long moment, je m’arrêtai sur un pont. L’eau coulait vite sans parvenir à emporter les reflets de lumière qu’on avait jetés dessus. Quel était ce pont ? Peut-être le pont Marie. Après, je reconnus les grands Boulevards. Derrière des vitrines, des mannequins bien habillés avaient l’air d’être en soirée, pendant une panne d’électricité. On avait chassé le monde hors des cafés. Qu’est-ce que je faisais là ? Des pensées ra-