Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/149

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l’air. Je pense à toi, tu sais. Mais il y a l’Autre. Celui de mes scrupules d’absolu. Que c’est loin. Voilà le soir qui tombe… Ce que j’ai faim. »

On longea un vieux mur avec des croix qui dépassaient. Il n’était pas laid ce mur. Quel silence tout à coup quand les roues cessèrent de tourner ! Un petit oiseau poussait un petit cri, on eût dit pas plus grand que lui. Quelque chose claqua, puis roula. Je vis le jaune du cercueil, le gris du mur et voilà que l’Autre me planta en plein cerveau une phrase stupide : Les vieux cimetières font les beaux murs. Eh ! non ! je ne voulais pas penser à cette sottise. Je fis un effort. Je suivis le cercueil qu’on portait à bras d’hommes et :

— Les vieux cimetières font les beaux murs.

On le descendit dans la fosse et :

— Les vieux cimetières font les beaux murs.

La mère hurla : « Charles » et :

— Les vieux cimetières…

On l’entraîna, je la suivis, je passai devant elle, je l’embrassai : elle était molle comme son voile, et

— Les vieux cimetières…

Jamais, sans la sortir, je n’ai ressenti tant de peine.