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Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/19

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Fait suivant les lois de mes petits scrupules d’absolu. Savoir jusqu’à quel point je supporterai le mal ; toucher de l’ongle l’œil à l’endroit que je sais ; si je rate, recommencer ; si je réussis, recommencer quand même, car ai-je vraiment réussi ? Après, recommencer, car réussirai-je encore ? Avec plus de mal ? Moins de mal ?

Bah ! ce sont des tics, les médecins l’affirment. Mais de grâce, que l’on se dispense de les arrêter dans une camisole de force. C’est comme si la plume sur le point de se partager, ne se partageait pas. Ce que l’on défend à mon pouce, ma pensée l’accomplit. C’est autrement pénible.

Une dame, une doctoresse, m’a dit :

— Quand cela vous prend, ayez un miroir de poche. Regardez-vous, d’abord pendant une minute, puis cinq minutes, puis dix…

Sauf votre respect, chère Madame, cela me rappelle un camarade qui était, je crois bien, cocu. Quand l’idée le pinçait il se découvrait une dent pourrie et courait chez le dentiste.

— Tu comprends ? Il habite à l’autre bout de la ville. Une heure pour aller, une demi-heure dans la salle d’attente, les minutes pour les piqûres, les secondes pour l’extraction, pendant ce temps, j’oublie que…

Il ne lui restait plus de dents. Il n’en était