Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/92

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n’est-ce pas ? Chez ton oncle, qui n’est même pas ton oncle… Tu n’iras pas.

Comment devinait-il ? Le soir, je l’entendis :

— Voilà les enfants ! on les élève, on se coupe en quatre ; ils ne sont pas encore grands qu’ils…

De la réprimande, je ne retiens qu’une chose : « Tu n’iras pas. » Quel bourreau de père. En ce temps, plus que jamais : « Ah ! mon Dieu oui ! Ah ! mon Dieu non ! » le pauvre oiseau battit des ailes.

Un soir, j’aperçus sur la table du bourreau, un coin de lettre avec une écriture que je reconnus aussitôt. Les papiers de papa étaient sacrés : défense d’y toucher. En regardant de loin, j’attrapai quelques mots : « … envoi d’amandes… estagnon d’huile… Marcel… » Déjà je tenais le papier : « Marcel viendra-t-il aux vacances ? » Elle avait écrit ces mots ! Pour moi ! Je les savourai. Un autre, certes, n’y eût rien vu ; moi, je savais. Cet M, elle en avait caressé les traits avec amour. L’A pensait à moi. Et ce T ferme comme elle avec sa belle barre. Autant de signes que m’envoyait ma reine. Elle pensait à moi ; elle aimait son page ; il devait lui rester fidèle. Et le bourreau n’avait rien dit ! J’aurais voulu conserver le papier. J’en arrachai un