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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/113

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L’évadé
À Charles Vildrac.


Je n’en suis pas bien sûr, mais, je crois, on appelle cela des colonies de Bienfaisance.

Ce n’est pas loin d’ici, après des bruyères et des bois, du côté de la Hollande.

Ne faisant rien, ils ne faisaient de mal à personne.

Ils tendaient la main.

Ils ne savaient pas que d’être venu au monde, cela vous crée des devoirs.

Ils n’avaient pas de métier. Savaient-ils lire ? Ils ne vendaient rien. Ni prêtre, ni soldat, pas même banquier ou fumiste.

Ils ne servaient ni plus ni moins que les fils à millions qui traînent, dans les bordels, un cerveau creux et des doigts gourds.

Ils n’avaient pas leur chance.

Ce n’était pas leur faute si, devant une jolie table, en des verres bien rincés, ils ne se grisaient pas avec de bonnes choses qui moussent.

Ils ne savaient pas, comme les messieurs, avancer les lèvres vers une gorge à pommade en murmurant : « Je vous désire, » et leurs gouges à eux ne se cachaient pas d’être les roulures à tout le monde.

Ils traînaient par les routes ; ils dormaient dans les granges. Ils avaient besoin de tout leur cœur pour aimer la paille qui tient chaud, la pierre si elle n’est pas trop dure, peut-être un chien.

Le baluchon au dos, ils n’avaient pas toujours la piécette qui prouve aux gendarmes que l’on a de quoi se payer un logis et que, malgré ses pieds nus, on est un honnête homme.

Alors un juge leur a dit : « Un an. Trois ans. Sept ans. »

— Mais, Monsieur !…

— C’est bon. Allez !…

Ils n’ont pas eu besoin d’aller : on les poussait, on les fourrait dans des wagons et, debout dans une boîte, ils ont fait le grand