Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/142

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Ne croyez pas qu’elle déraisonne : elle pense à sa vache, celle qu’on appelle le Bourgmestre.

— Ce sera pour demain, me dit le père Isidore qui s’y connaît, demain avec le coucher du soleil.

Et cela se passe comme il l’a dit.

Un merle sifflait tout seul, les fenêtres étaient rouges, quand Benooi, très pâle, est venu en hâte pousser les volets.

Dans l’armoire on a trouvé les beaux draps blancs. On lui a joint les mains et mis entre les doigts le chapelet qui était le sien. Elle n’a plus son grand air d’empereur romain. En maigrissant, elle a commencé à ressembler à Fons son cadet, puis à Benooi, le plus jeune, et maintenant, elle est retournée à Dieu avec la face apaisée d’un tout petit enfant.

— J’étais là, dit Fons. J’avais un trou dans ma culotte, au genou. Et elle regardait ce trou… elle regardait…

Au dernier moment, on ne trouva pas l’eau bénite.

— L’eau, l’eau, s’énervait Benooi.

Entendant cela, Fons est sorti, puis revenu portant à bout de bras un seau plein d’eau de son puits.

Tandis que le P. Isidore priait, elle tenait si mal son cierge, qu’un peu de cire lui est tombé sur les paupières et d’avance lui a cacheté l’œil.

Mélanie est morte un vendredi. Pour la première fois, depuis l’hiver de ses grands rhumatismes, Fons manquera sa chasse un dimanche.

Mélanie partie, Trees la servante est perplexe. Benooi se mariera-t-il, ou prendra-t-on une seconde servante ?

Fons ne dit rien. Il a sa figure du matin, quand il se lève de mauvaise humeur. Comme en entrant, je lui dis : « Bonjour, Fons, » il regarde hargneusement cet étranger.