Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/176

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simples et rondes, le père finit par s’effrayer de la forme biscornue des miennes.

— Écoutez, mon enfant, je ne suis guère versé dans tous ces problèmes. Peut-être pourriez-vous consulter un autre confesseur.

Mais je suis fidèle, moi. Je préfère me damner avec sa morale que me sauver avec une autre plus accommodante.

Le lendemain, me revoici au parloir. Au-dessus de la porte une inscription avertit : « Souvenez-vous que vous aurez à rendre compte de toutes vos paroles inutiles… » Et je parle… je parle…

Et c’est Marie qui trouve le dernier mot.

— Mon père, avais-je demandé, en faisant œuvre de chair, peut-on prendre plaisir à cet acte ?

— Peuh ! mon enfant ; peuh ! Faites cela très vite, pour créer des enfants et à la plus grande gloire de Dieu.

Le soir, je fais cela très vite, pour créer des enfants et à la plus grande gloire de Dieu.

Marie m’a laissé aller, un peu surprise :

— Tu sais, me dit-elle après, tu avais l’air plutôt bête…

Je ne pensais pas comme je faisais : on a toujours l’air bête.

Des jours plus tard :

— Mon père, excusez-moi, je crois qu’après cette fois, je vous dérangerai moins souvent.

— Qu’y a-t-il, mon enfant ?

— Voilà, j’ai trouvé ce qui m’inquiétait. J’ai vu clair. Je croyais être simple, j’étais vain. Je voulais entrer par une porte, parce que cette porte m’était fermée. Et puis je posais : je dansais pour les amis le pas sacré de la dévotion…

— Comment, mon enfant, vous dansiez ?

— Pardon, mon père, je m’exprime mal et c’est peut-être encore un péché. Plus clairement : je voulais être ce que je n’étais pas. Pour cela je me servais de votre vie, de celle des frères. Je galvaudais votre nom… Je ne le ferai plus. Rester ce que je suis, comme Benooi…