peut sur ses trop courtes jambes. Elle ne met pas un corset tous les jours ; elle est rouge, elle a chaud ; on devine, entre ses cuisses, de la sueur de jument qui mousse.
Une grande fille vient derrière, très sage, presque demoiselle, puis les autres de tout âge, débraillés, les bras pleins de fleurs, d’épis maraudés, de branches cassées qu’ils jetteront tout à l’heure.
Devant l’enclos, halte, extase !
— Mon Dieu ! que de poules !
— Et toutes blanches !
— Ça, c’est extra-ordinaire !
Puis risette au paysan qui pourrait dire quelque chose. Mais le paysan ne dit jamais rien.
Papa, qui est instruit, sait distinguer le sexe des volailles :
— Ça, c’est une poule… ça, c’est un coq.
J’ai une jeune chèvre.
— Ça, c’est un veau…
Puis une nouvelle risette au paysan pour qu’il parle de son veau. Maman non plus ne dit rien. Cul par terre, contre un arbre, elle sèche. Son œil accepte les choses telles qu’elles sont : là un cerisier, là un chien, là du sable. Elle trouve ça très bien : tout de même on serait mieux dans sa cuisine, entre ses casseroles.
Elle s’inquiète seulement pour son plus jeune, Dodore, une espèce de singe aux jambes arquées qui brandit en triomphe un jeune sapin. C’est une bonne massue et, comme papa dans les buissons, pan et pan, il en frappe à grands coups mon treillis, ce qui fait s’envoler mes poules. Plus elles volent, plus il s’amuse.
— Pan et pan !
— Dodore, intervient le père, le paysan va se fâcher…
Je pourrais en effet ; mais Dodore est un peu court pour son sapin, et j’attends le moment où, déraciné par son arbre, il se punira lui-même en se flanquant par terre.
Là ! ça y est. Une ornière où il glisse et le voilà, bras ouverts, à plat ventre, dans le sable.
— Dodore ! a jeté la mère, tout à coup très légère pour ramasser les morceaux.